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Les premières réactions des associations requérantes et des témoins après l’audience

3 octobre 2023 dans dans Discriminations

Les associations qui ont mis en demeure l’État, en janvier 2021, pour qu’il s’engage à faire cesser les contrôles au faciès (Maison Communautaire pour un Développement Solidaire (MCDS), Pazapas, Réseau Égalité, Antidiscrimination, Justice Interdisciplinaire (Reaji), Amnesty International France, Human Rights Watch et Open Society Justice Initiative), et qui ont assigné l’État en juillet 2021, réagissent suite à l’audience du 29 septembre au Conseil d’État :

Amnesty International France

Nathalie Godard, Directrice de l’Action, Amnesty International France :

Cette action de groupe est une occasion unique pour le Conseil d’État de mettre fin à l’atteinte à la dignité humaine que constituent les contrôles au faciès. Il est temps que la France se conforme à ses obligations en vertu du droit international à la non-discrimination. Si le Conseil d’État suivait les conclusions de la rapporteure il donnerait un blanc-seing aux contrôles au faciès.

Human Rights Watch France

Bénédicte Jeannerod, Directrice France, Human Rights Watch :

En ce moment historique, tous les regards sont tournés vers le Conseil État pour faire en sorte que la France respecte ses obligations en matière de droits humains. La rapporteure publique a reconnu la gravité et l’ampleur du problème des contrôles d’identité discriminatoires effectués par la police. A présent, le Conseil d’État devrait reconnaître que l’État n’a pas agi de manière à mettre fin à ces graves violations et en tirer les conséquences. Le Conseil d’État devrait ordonner aux autorités françaises d’adopter des réformes structurelles pour mettre fin aux pratiques policières discriminatoires généralisées, conformément aux appels lancés de longue date par les instances nationales et internationales de défense des droits humains. Le profilage ethnique est profondément ancré dans le comportement de la police française et nécessite des solutions systémiques.

Maison Communautaire pour un Développement Solidaire (MCDS)

MCDS se réjouit de cette audience et prend acte de la reconnaissance par la Rapporteure publique, des contrôles au faciès. Cependant, nous espérons que le Conseil d’État prendra toute la mesure des contrôles au faciès sur le développement des citoyens concernés et contribuera par cette décision à favoriser l’égalité de traitement et à l’inclusion de tous les citoyens.

Open Society Justice Initiative (OSJI)

Juste après l’audience au Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative en France, Maïté De Rue, conseillère juridique à Open society justice initiative a déclaré :

Après que la Rapporteure publique a admis l’existence d’une pratique policière discriminatoire grave et répandue subie par les personnes noires et arabes en France lors des contrôles d’identité, le Conseil d’État ne peut pas manquer la prochaine marche de l’Histoire et doit tirer toutes les conséquences juridiques de ce constat : il doit ordonner à l’État français qu’il prenne enfin les mesures pour que cesse cette pratique humiliante et illégale. L’expérience dans d’autres États (par exemple au Québec ou dans l’État de New-York) montre que de telles réformes systémiques sont possibles par la voie judiciaire.

Pazapas Belleville

Aujourd’hui, nous avons été entendus par le Conseil d’Etat. Ses membres sont-ils conscients de l’ampleur et de la gravité du problème ? En tout cas les conclusions de la rapporteure publique n’était pas encourageante : elle a demandé le rejet de notre requête. Notre espoir repose sur la plaidoirie de notre avocat qui a su incarner puissamment le vécu et les attentes de ceux qui vivent les contrôles au faciès. Son message les a-t-il atteint ?

Réseau - Egalité, Antidiscrimination Justice - interdisciplinaire (REAJI)

Myriame Matari - Avocate de l’association REAJI :

La Rapporteure publique admet des pratiques de discriminations raciales généralisées. Le droit international impose à l’État l’obligation fondamentale de prendre toutes les mesures pour prévenir et faire cesser ces discriminations raciales jugées particulièrement odieuses par la Cour Européenne des droits de l’Homme. Nous comptons sur le Conseil d’État pour tirer toutes les conséquences de la gravité des enjeux et ordonner la mise en œuvre de mesures qui s’attaqueront aux causes des contrôles au faciès.

Expression de témoins présents à l’audience

Pour une fois, je me suis senti citoyen et j’ai eu l’impression d’être intégré dans le système en étant dans la salle d’audience et de ne pas être juste un numéro anonyme. Je suis content qu’on ait pu porter notre voix. Mais d’un autre côté je suis triste de voir que les conclusions de la rapporteure publique sont déconnectées des réalités. J’espère que les mots de Antoine Lyon-Caen réveilleront l’humanité des juges.

Les juges ont sans doute découvert ce que c’est un contrôle au faciès, ils ne savent pas que lors d’un contrôle, les policiers ont ta journée et même ta vie entre leurs mains. Me Antoine Lyon Caen a mis de l’humanité, dans le jargon juridique compliqué. Il ne faut jamais oublier que derrière les lois, il y a des humains et c’était important de le dire.

Pour rappel, cette action de groupe fait suite à une mise en demeure adressée le 27 janvier 2021 au Premier ministre, au ministre de l’Intérieur et au ministre de la Justice pour leur demander d’engager des réformes structurelles et des mesures concrètes afin de mettre un terme aux pratiques policières discriminatoires, qui ont été reconnues par le président de la République. Les autorités n’ont pas répondu à la mise en demeure dans la période de quatre mois prévue par la loi.

Les organisations requérantes demandent au Conseil d’État de constater le grave manquement de l’Etat consistant à laisser perdurer la pratique systémique des contrôles au faciès, et d’enjoindre aux autorités de prendre les mesures nécessaires pour y remédier.

Pour plus d’informations sur la procédure vous pouvez consulter le site MaRueMesDroits, ainsi que la revue de presse.