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[CP] A Avignon : Les personnes exilées accueillies replongées dans l’incertitude

4 juillet 2022 dans dans Migrations

Contexte

Après avoir formulé une promesse d’achat du bâtiment de la rue Pasteur, l’association Rosmerta attend depuis un mois la réponse du diocèse d’Avignon.

Rosmerta est un lieu d’hébergement pour mineurs non accompagnés (MNA) et familles des personnes exilées à la rue. C’est une réquisition citoyenne qui a permis de mettre à l’abri plus de 400 personnes depuis Noël 2018. Grâce à l’engagement militant de plus de 100 bénévoles et le soutien de 1500 adhérents les habitantes de Rosmerta sont pris en charge d’une manière globale (santé, aide juridique, éducation, formation professionnelle...).

Depuis l’ouverture, le diocèse d’Avignon propriétaire du lieu poursuit l’association en justice pour récupérer ses bâtiments et les mettre en vente. En 2019, la Justice a donné à Rosmerta un délai de trois ans pour évacuer les lieux. Ce délai est arrivé à expiration fin mars 2022.

Aujourd’hui l’association Rosmerta est en mesure d’acheter ce bâtiment avec l’aide d’un fond de dotation. Malgré une proposition d’achat au prix du marché, le diocèse ne répond pas à la proposition d’achat de la part de l’association.

Communiqué de presse – le 4 juillet 2022

Le 29 avril 2022, l’archevêque d’Avignon, Mgr Fonlupt, a reçu des représentants de l’association Rosmerta, qui gère le lieu d’accueil situé 7 rue Pasteur à Avignon, où sont actuellement accueillies 60 personnes exilées au total plus de 200 personnes ont été accueillies depuis décembre 2018. L’occasion pour un fond de dotation, proche de Rosmerta, de présenter une offre d’achat afin de permettre à l’association de rester dans les murs. Las, l’évêché se mure dans le silence depuis.

Le jeudi 1er juin, lors d’une rencontre avec Mgr Fonlupt, l’association a confirmé son intention d’acheter le bâtiment et est allée plus loin en présentant, dès le 2 juin, une offre d’achat de 500000 euros par un fonds de dotation proche de Rosmerta. Depuis, l’association n’a reçu aucune réponse de la part du diocèse malgré plusieurs relances. Les représentants de l’association souhaitent entamer au plus vite de réelles négociations d’achat de ce bâtiment, pour pouvoir sécuriser l’accueil des personnes en situation très précaire hébergées par Rosmerta.

« J’ai trois acheteurs potentiels. Il ne faut pas que ça fasse capoter la vente » se lamentait l’économe du diocèse d’Avignon, M. Andreani, dans le Dauphiné le 13 février 2019, après l’occupation par l’association Rosmerta d’une école catholique désaffectée en vue de loger des personnes laissées à la rue, dont de nombreux enfants étrangers non accompagnés. Une fois l’ancienne école investie, l’archevêque d’Avignon, Mgr Cattenoz, a rejeté toute possibilité de discussion avec les occupants, refusant d’établir un bail d’occupation temporaire, alors que Rosmerta proposait de payer un loyer.

L’association Rosmerta a ensuite été poursuivie en justice par le diocèse d’Avignon et la Conférence des évêques de France pour « occupation illégale » afin d’obtenir une expulsion de force et la remise à la rue des habitants du 7 rue Pasteur. En première instance, en 2019, les juges ont donné un délai de 3 ans à l’association pour évacuer considérant que cette décision assurait « de manière proportionnelle, la protection du droit de propriété avec la sauvegarde du droit à la dignité humaine, du droit au logement et à la vie privée et de l’intérêt supérieur de l’enfant ». En appel, les juges ont ramené ce délai à deux ans.

Lors de l’audience en appel, les avocats du diocèse et de la Conférence des évêques ont argué que l’occupation du bâtiment entraverait la capacité de l’association diocésaine à « subvenir aux frais et à l’entretien du culte catholique » grâce à « une vente ou une location, projets qui ont été paralysés par l’occupation illégale » de l’ancienne école.

Lors cette même audience, l’avocate de Rosmerta avait indiqué qu’un engagement d’achat par un mécène privé avait été envoyé au diocèse. Le diocèse a refusé cette première offre.

L’archevêché refuse de vendre - Rosmerta maintient son offre

Suite au départ de Mgr Cattenoz, fermé à toute espèce de dialogue, Mgr Fonlupt, son successeur, a enfin accepté de dialoguer. Lors d’un premier rendez-vous, le 29 avril, Rosmerta a manifesté sa volonté de se porter acquéreur du bâtiment, directement ou via des fondations ou un fonds de dotation. Pourtant, Mgr Fonlupt, allant à l’encontre de ce que l’Église a régulièrement déclaré depuis 2019 – la volonté de vendre ce bien - a proposé à l’association un bail emphytéotique de 20 ans avec un loyer de 3300 euros par mois ; les travaux de mise aux normes restant à la charge de l’association.

Ce loyer excessif sur 20 ans correspondrait à un revenu potentiel de plusieurs centaines de milliers d’euros pour le diocèse – sans possibilité à terme pour Rosmerta d’acquérir l’immeuble.

Lors d’une seconde rencontre le 1er juin 2022, la volonté d’achat du bâtiment au prix du marché a été confirmée au diocèse par un fonds de dotation à vocation sociale. Une offre ferme d’achat pour un montant de 500.000 € a été adressée au diocèse le 2 juin.

Les représentants de ce fonds de dotation souhaitent permettre à l’association Rosmerta de rester dans les locaux. Des fondations, dont la Fondation Abbé Pierre et le fonds de dotation RIACE proposent de participer également à l’effort financier, notamment pour la réhabilitation des locaux.

Après un mois de vaine attente d’une réponse, l’association Rosmerta et ses soutiens ont décidé de rendre publique cette situation qui plonge les personnes hébergées dans l’incertitude.

Rosmerta appelle l’archevêque à considérer le sérieux de l’offre, afin que les personnes accueillies par Rosmerta puissent continuer de bénéficier d’un lieu d’accueil pour se reposer et se ressourcer temporairement.

L’association Rosmerta se réserve la possibilité de mener des actions publiques afin de faire connaître sa volonté d’acquérir ce bâtiment vétuste que l’Église a longtemps dit vouloir vendre.

Tant que les personnes hébergées ne seront pas prises en charge par l’Etat français ou régularisées, l’action de Rosmerta continuera.

«  Nous sommes dans l’incompréhension. Nous avons mobilisé beaucoup de temps et d’énergie à monter un projet viable de pérennisation de notre action. Nous avons réussi à convaincre plusieurs fondations et un fonds de dotation qui ont confirmé au diocèse leur engagement à nos côtés. A l’heure actuelle, le diocèse n’a pas répondu à notre offre sérieuse.  » indique la collégiale de Rosmerta.

Contacts médias : Alexia : 06 64 96 87 50
Alex : 06 33 84 94 51

collegiale@rosmerta-avignon.fr

Chronologie

  • Avant l’occupation du 19 décembre 2018, le diocèse d’Avignon avait été approché par des associations, tout comme la mairie et la préfecture, pour solliciter la mise à disposition de locaux pour abriter ces familles sans logement, alors que le « 115 » affichait systématiquement complet.
  • 19 décembre 2018 : occupation de l’école désaffectée
  • 28 octobre 2019 : jugement en première instance, l’association Rosmerta a fait reconnaître l’« état de nécessité » légitimant sa démarche du fait d’un manque de possibilité de « relogement décent et digne »
  • Fin 2020 : première offre d’achat du lieu par un mécène privé
  • 19 avril 2021 : arrêt de la Cour d’appel de Nîmes, la cour réduit le délai à 2 ans
  • 2 juin 2022 seconde offre d’achat par le fonds de dotation Antigone

Sources

  • Le jugement en 1re instance du 28 octobre 2019 accordant un délai de 3 ans à Rosmerta :"Il est (...) manifeste qu’au regard de leur situation irrégulière et de leur isolement sur le territoire national, les personnes hébergées dans l’immeuble litigieux, sous couvert de l’Association Rosmerta ne disposent en l’état d’aucune solution de relogement décent et digne et ont besoin pour ce faire d’un délai. Or, l’Association Rosmerta justifie suffisamment des démarches engagées, d’une part pour la légalisation de la prise en charge des personnes hébergées par ses soins dans l’immeuble litigieux, et d’autre part auprès de l’Association diocésaine en vue d’une légalisation de l’occupation des lieux soit à titre de locataire, soit à titre de nouveau propriétaire, l’immeuble étant mis en vente par la demanderesse."
  • Audience d’appel (février 2021), l’Eglise accuse Rosmerta d’entraver sa mission de « subveniraux frais du culte catholique »
    Au tribunal de Nimes, en appel en avril 2021, le diocèse d’Avignon avait rappelé devant les juges : « « — que pour se conformer à son objet social qui lui impose de subvenir aux frais et à l’entretien du culte catholique, elle a souhaité valoriser cet immeuble par une vente ou une location, projets qui ont été paralysés par l’occupation illégale de ce bien à compter du 18 décembre 2018, » CA Nîmes, 2e ch. sect. b, 19 avr. 2021, n° 19/04636.
    Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/CA/Nimes/2021/C6314D34A74A5A92F8869
  • Récit de l’appel, sur le site de Rosmerta : https://rosmerta-avignon.fr/communique-de-presse-proces-en-appel-contre-lassociation-rosmerta/
    Maître Durand, avocate de Rosmerta, a réaffirmé que Rosmerta assumait toutes ses responsabilités en payant les charges du bâtiment, a exprimé le souhait de signer une convention d’occupation temporaire des locaux dès son entrée dans les lieux, proposition à laquelle le diocèse n’avait jamais répondu. Elle a aussi rappelé le manque complet de dialogue avec l’évêché, qui n’a pas répondu aux demandes de rendez-vous. Me Durant a achevé sa plaidoirie en affirmant que la solution c’est en effet l’achat du bâtiment par mécénat.
  • Article de La Croix qui liste des occupations de biens de l’église pour héberger des migrants,et les différence de dialogue, d’une ville à une autre, en passant pas Nantes, Marseille et Avignon, mais des procédures judiciaires quasi-systématiques, parfois simplement pour se dégager des responsabilités en cas d’occupation de bâtiment vétuste, et dans plusieurs cas, l’Eglise a payé pour les fluides(gaz, électricité, eau) comme cela s’est vu à Marseille au « SquatSaint-Just ».https://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/France/Dioceses-migrants-casse-tete-lhebergement-2019-12-14-1201066436