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Amendes abusives : la Défenseure des Droits rencontre « la brigade des mamans » et des jeunes à Belleville

19 octobre 2022 dans dans Discriminations

photo de la visite de la défenseure des droits
Après l’entretien formel, la Défenseure des droits et son équipe ont été conviés à verre de l’amitié à la Perm’ de Belleville.

« La Brigade des mamans » et leurs fils, de jeunes hommes, mineurs ou tout juste majeurs, du quartier de Belleville dans le 20e arrondissement de Paris ont témoigné ce mardi 18 octobre 2022 devant la Défenseure des Droits, Mme Claire Hédon, de verbalisations abusives par des forces de l’ordre.

Selon l’association la Maison communautaire pour le développement solidaire (MCDS), la Perm’ de Belleville, et leur avocate Me Alice Achache qui accompagne ces familles, « l’accumulation d’amendes abusives caractérise un harcèlement policier discriminatoire à l’égard de jeunes hommes perçus comme arabes ou noirs, et vivant dans des quartiers populaires ». Ce phénomène a été observé dans plusieurs villes de France.

Les témoignages et les éléments présentés à la Défenseure des Droits font état d’agents de police refusant d’accepter les attestations des jeunes, alors même qu’elles étaient réalisées sur le site mis à disposition par le gouvernement. Pour une date et une heure donnée, nombre des jeunes ont été verbalisés par plusieurs amendes, pour des faits de nature différente voire contradictoire, et parfois pour les mêmes faits dans un laps de temps très restreint et une zone géographique précise. Beaucoup d’entre eux ont également fait l’objet de contraventions sans même avoir été contrôlés.

Avec l’aide d’une avocate, Me Alice Achache, également présente lors de la rencontre avec la Défenseure des Droits, les jeunes ont tenté de contester ces amendes devant le tribunal de police, mais la procédure est complexe et peu accessible.

Beaucoup préfèrent une résistance passive en ignorant les demandes de paiement, ce qui conduit à de fortes majorations des amendes. Le montant cumulé des amendes atteints aujourd’hui des sommes disproportionnées face aux infractions reprochées, jusqu’à 13 447 euros pour 37 amendes pour les jeunes du quartier de Belleville, sur une période de deux ans, et cela, sans prendre en compte les frais de poursuites, les frais de recouvrement par huissier et les frais bancaires, pour chaque amende.

Un endettement insoutenable et l’aggravation de la précarité

Aujourd’hui, cette situation pèse sur les jeunes et sur leurs familles. Les sommes dues par les mineurs verbalisés sont saisies sur les salaires de leurs représentants légaux. Le Collectif « La Brigade des mamans » abonde en déplorant le fait que les foyers concernés, qui se trouvaient déjà dans des situations financières difficiles, se retrouvent désormais confrontés à un endettement insoutenable et l’aggravation de leur précarité. Certaines familles soutiennent par exemple ne plus pouvoir régler certaines charges incompressibles comme leurs loyers, après avoir été saisies sur leur salaire d’une somme définie arbitrairement par le Trésor public.

Lors de la rencontre avec « La Brigade des mamans », la Défenseure des Droits a pu écouter les témoignages des plusieurs mères de famille : « Quand est-ce qu’on sera libre ? Nous sommes fatiguées du comportement de la police avec nos enfants  » interrogeait l’une d’elles. Certains jeunes ciblés par ces verbalisations abusives étaient aussi présents : « C’est bien qu’on puisse parler du problème, mais il faut aller plus loin parce que demain et après-demain, ça sera pareil dans la rue, on continuera d’être contrôlés et verbalisés à cause de notre couleur de peau ! ».

Après deux heures d’entretien, en présence de son équipe, Mme Hédon s’est dite

très impressionnée par ce que j’ai entendu aujourd’hui. Nous sommes en face de familles surendettées et de jeunes qui sont scolarisés, étudiants ou qui travaillent, mais que ces amendes enfoncent. Nous avons été saisis et nous allons nous emparer du sujet, ce qui peut passer par une instruction contradictoire avec des auditions des policiers. J’aurai également l’occasion d’évoquer cette visite avec les députés ce jeudi dans le cadre d’une audition sur le projet de loi Lopmi et sur les nouvelles amendes délictuelles forfaitaires proposées dans ce projet de loi ».

Un nouveau rendez-vous aura lieu dans le mois à venir entre la Défenseure des Droits et les collectifs de Belleville qui l’ont saisie.

Depuis 2020, et la mise en place des premières amendes forfaitaires délictuelles, les collectifs et associations intervenant dans les quartiers populaires interpellent les pouvoirs publics sur les dérives et les conséquences disproportionnées sur les foyers des ces amendes abusives et l’absence de possibilité réelle de les contester. Pourtant aucune mesure n’a été prise par le gouvernement et les pouvoirs publics afin d’aménager, ou même dispenser, l’exécution de ces amendes face à la disproportion entre la sanction appliquée et la gravité de l’infraction.

CONTACTSDIAS :
MCDS : Omer Mas Capitolin, omer.mc9@gmail.com
VoxPublic : Erika Campelo, erika.campelo@voxpublic.org