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Synthèse Agora VoxPublic - 21 octobre 2018

Retour sur les trois thématiques traitées lors de l’Agora :

Présent.e.s : Benjamin Sourice, Bruno Lamour, Carole Peychaud, Charlotte Soulary, Debora Guidetti, Erika Campelo, Fabrice Ferrier, Frédéric Delattre, Gus Massiah, Jean-Baptiste Paulhet, Jean-Marie Fardeau, Lanna Hollo, Lea Bouaroua, Léa Gauthier, Manon Fillonneau, Nadia Henni-Moulaï, Nathalie Grimoud, Nicolas Noguier, Patrick Lamour, Patrick Piro, Vincent Taillandier

Invité.e.s : Claire Lamour, Marc Schoene, Gwendaline Zami.

Excusé.e.s : Antoine Dulin, Bertrand Delpeuch, Claire Schreiber, Clément Mabi, Cristèle Bernard, Didier Maille, Edwin Hatton, Hugues Leenhardt, Ionna Bouvier, John Senior, Loïc Rigaud, Marion Anvroin, Nathalie Péré-Marzano, Nicolas Danet, Olivier Maurel, Patrick Levaillant, Patrick Mony, Xavier Peyrache…

Les membres de l’Agora de VoxPublic réunis à la rencontre du 21 octobre 2018
  • 1. "Journée du refus de l’échec scolaire " –(Frédéric Delattre, AFEV Rhône-Alpes)

L’AFEV (Association de la Fondation Étudiante pour la Ville) : lutte contre les discriminations dans le domaine de l’éducation. Résumé histoire/stratégie :
En réaction aux émeutes de novembre 2005 : ils lancent une campagne de plaidoyer "Pas de quartier pour les inégalités" en 2006, l’idée est de mener une campagne de pétition pour demander la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le décrochage scolaire.

Bilan : ils arrivent à récolter 50 000 signatures (dont beaucoup de députés) mais pas d’aboutissement en raison de problèmes avec l’animation post-campagne.
Suite à cela, en 2007, est lancée la "journée du refus de l’échec scolaire", organisée tous les ans en septembre.

Un peu sur le même format que la journée du refus de la misère
Cette fois, pas de pétition mais une stratégie médiatique.
Chaque année un thème différent lié à l’échec scolaire avec une enquête de terrain menée par les jeunes sur la question.

En parallèle, organisation d’une manifestation à Paris (débat avec la présence de personnalités : ministre de l’Éducation, etc. et de la presse) ce qui permet d’avoir une visibilité nationale.

Bilan :
Objectif politique pas acquis mais atteint : depuis la première journée organisée, clairement une évolution positive dans l’attention qui est donnée au décrochage scolaire par les politiques. (D’ailleurs, chiffres de référence sous Hollande : chiffres de l’AFEV).
Objectif médiatique : atteint, une grande ampleur dans les médias.

  • 2. Le droit à la scolarisation, Chilly-Mazarin+ campagne #EcolepourTous (Manon Fillonneau, CNDH Romeurope)

Contexte :
Problème de scolarisation des enfants (roms, migrants, etc.) à Chilly-Mazarin
Le problème remonte en septembre 2018.
La directrice de l’école de Chilly-Mazarin a l’habitude de faire entrer des enfants roms ou migrants individuellement souvent, pour être discret et ne pas faire de vague.
17 septembre : 4 enfants togolais sont scolarisés à l’école et réaction de l’administration (Inspectrice ?) assez violente et demande qu’ils quittent l’école.

Réaction : médiatisation de l’incident (parution d’articles dans la presse - l’Huma, etc.)
Le 14 octobre Libération sort un gros papier sur le sujet
Puis communiqué de presse par la Ligue de l’Enseignement et d’autres associations
Réponse de l’administration : le Maire annonce que 37 enfants sont scolarisés et qu’un accord a été passé pour scolariser les autres dans d’autres écoles. Donc il n’y a pas de problème.
MAIS les frais de transport et la durée des trajets pour atteindre ces écoles posent problèmes.
Projet de campagne sur le sujet.

Objectif : réaliser une campagne sur les jeunes non scolarisés (pas que les roms mais aussi les mineurs isolés, les handicapés, le sujet se pose aussi à Mayotte et en Guyane donc vraiment adopter une démarche globale)

Méthode : community organizing (que les gens concernés mènent eux-mêmes la campagne) et donc pour cela il faudrait former les jeunes (profils variés).
Pour efficacité essentiel aussi de faire monter la pression sur l’administration

Cet exemple pose la question : comment passer de la médiatisation à un lobbying politique de manière efficace ?

  • 3. Les difficultés d’accueil des étrangers, Nantes (Patrick Lamour, Marc Schoene, Claire Lamour)

Première action : Loi Collomb asile-immigration qui allait être votée donc avec d’autres associations décident d’interpeller les députés LREM (En Marche) de Nantes.
Pendant les premières réunions, beaucoup de monde mobilisé et les associations sont motivées.
Malheureusement, au fil de l’action, une démotivation.
Ils arrivent à obtenir des rendez-vous avec les députés mais les associations ne sont motivent pas à y aller et quand c’est le cas, les rendez-vous ne sont pas toujours un succès.

Deuxième action : après les difficultés rencontrées sur la première action, les sans-papiers occupent le square Daviais à Nantes, et donc les acteurs se remobilisent. Finalement, la préfecture condamnée à donner 3 repas par jours aux sans-papiers qui sont relogés dans un gymnase. Sauf que, il y a des gardiens à l’entrée du gymnase ce qui donnent plutôt l’impression d’un centre de détention. De plus, supposé être une solution temporaire mais en profite pour expulser les sans-papiers de Nantes "par derrière" (des bus viennent les chercher pour les amener autre part en France). Dialogue très difficile avec la Mairie. Malgré des propositions de bâtiments qui pourraient être utilisés pour loger les sans-papiers, refus catégorique de la Mairie et maintenant, des mineurs isolés se font évacuer de squats, etc.

Une des leçons à tirer : important d’avoir un objectif clair pour obtenir un résultat.

Groupes de travail- : quels enseignements tirer (en général et pour VoxPublic) de ces expériences ?

  • 1. Résumé sous - groupe expérience « AFEV – Journée du refus de l’échec scolaire ».

a) Analyse de la campagne de lobbying
Indicateurs de réussite de la campagne de lobbying « Journée du refus de l’échec scolaire » (lancée en 2008 et renouvelée chaque année mi-septembre)
 Les ministres socialistes Peillon, puis Vallaud-Belkacem, ont mis ce thème très haut dans leurs priorités.
 Baisse du nombre d’enfants en échec scolaire (de 150 000 à 100 000)

Facteurs de réussite :
 Partenariat avec l’Agence national contre l’Illettrisme.
 Comité de pilotage de la journée comprend aussi ATD 1/4 monde, FCPE...
 Argument : la lutte contre l’échec scolaire, ça marche. C’est de l’argent public bien investi.
 La force de cette campagne, c’est que l’AFEV est dans une posture à la fois sur les principes (l’échec scolaire est un grave problème) et sur des propositions (améliorer la formation, encourager l’alternance) et non dans une attaque du système éducatif par rapport à tel ou tel cas précis (qui exigerait d’être « confrontationnel »).
 La première clé , chaque année, du succès médias, c’est le baromètre réalisé par l’AFEV (coût de 2 000 € seulement). Ce n’est pas un sondage représentatif, mais fait à partir du réseau AFEV.
 La seconde clé, c’est de donner chaque année, la parole à des chercheurs reconnus en matière d’éducation, dont les points de vue sont regroupés dans un livret qui donne de la crédibilité à la campagne de l’AFEV.

Conclusion : Ces différents facteurs de réussite pourraient être utilisés par d’autres acteurs société civile sur d’autres sujets.

b ) Réflexion sur le rôle de l’AFEV comme association d ‘éducation populaire
L’AFEV fait de l’éducation populaire.

Pour les 8 000 bénévoles (dont 7 500 nouveaux chaque année ! selon Fred D.), l’immense majorité vienne à l’AFEV pour être utile, pour accompagner un gamin dans un quartier populaire. C’est le 1er étage de la fusée. Le second étage, pour ces bénévoles, c’est de comprendre le contexte dans lequel ils agissent. Mais l’AFEV n’est pas une institution qui attend des jeunes de s’identifier à elle (il n’y a pas « d’Afeviens »). C’est une expérience d’un an dans leur parcours de formation que les jeunes se construisent eux-mêmes en s’engageant successivement dans des organisations./thématiques différentes (éducation, puis solidarité internationale ou exclusion sociale, puis environnement…). Très différent de la culture association d’éducation populaire des années 60/80, qui offrait un package complet et un parcours de plusieurs années (formation, apprendre à animer, à parler en public, côtoyer syndicats et partis, etc.)

c) VoxPublic et le thème de l’échec scolaire , quelles perspectives ?
Concernant l’implication de VoxPublic sur ces questions d’inégalités des chances à l’école, d’échec scolaire , etc, Frédéric pense que les mobilisations citoyennes dans le monde de l’éducation tournent surtout autour des fermetures de classe ou d’école et peu sur les inégalités scolaires (chaque parent étant surtout préoccupé par l’avenir de son enfant et non de tous les enfants… - voir les travaux de F. Dubet sur « la préférence de l’inégalité ») . Frédéric pense que VoxPublic pourrait être utile sur le combat de l’accès à l’école publique (primaire, collège, lycée) des enfants porteurs de handicap. Il y a un manque criant de personnel d’accompagnement, avec l’État et les collectivités territoriales qui se rejettent les responsabilités (entre postes AVS – Assistant vie scolaire – payés par Educ nationale et EVS - Emploi Vie scolaire – payés par les coll territoriales).

  • 2. Résumé sous - groupe de travail « expérience campagne #ÉcolepourTous »

Lors de l’atelier en groupe, il a été évoqué les pistes suivantes par les membres de l’agora qui conseillaient Manon Filloneau de Romeurope, qui soutient le développement de la campagne « École Pour Tous », dont la méthodologie est celle du community organizing.

Objectifs
Manon Fillonneau a expliqué que les objectifs et demandes seraient formulées par les personnes concernées, notamment lors des temps en commun de leaders de la campagne (à commencer par une formation début novembre).
L’idée générale est de défendre le droit à l’éducation pour les enfants précaires et/ou étrangers (mineurs isolés, enfants mal logés en squats, bidonvilles, à la rue, dans des hôtels aux frais de l’État, enfants outre-mer etc...) qui ne sont pas à l’école pour différentes raisons (refus ou obstacles à l’inscription, remise en cause de leur âge, souffrances à l’école des enfants...)
L’approche réunissant différents publics qui peuvent connaître des obstacles différents est volontaire. Cette approche « multi-publics » renforce l’idée que l’école est un droit universel.

Stratégie :
Il existe une alliance de fait entre certains élus qui refusent des enfants et une partie de l’administration scolaire (rectorat) qui ferme les yeux sur le problème de la déscolarisation ET des problèmes d’intégration à l’école, qui forme un tout. Cette alliance conduit à tenter de marginaliser les associations et délégitimer leur parole (« vous mentez ») pour nier le problème.
La campagne doit donc chercher à montrer à l’administration scolaire la réalité et la diversité des situations des enfants et jeunes non scolarisés en France, pour la mettre dans l’impossibilité de nier les choses, ce-ci afin ensuite de remettre en avant la responsabilité de l’Etat dans les barrières imposées aux parents (parfois par les élus) pour scolariser leur enfant. Cela mettra aussi certains élus et l’Etat en position de prendre des décisions pour apporter des solutions.

L’idée est donc de :
 faire prendre conscience à l’Etat qu’il y a un problème et initier un débat de société sur le droit à la l’éducation
 que des personnes concernées sont les plus légitimes pour en parler, d’autant plus qu’elles ont le soutien d’associations, de syndicats et/ou de politiques
 que les personnes concernées ont des solutions à proposer (nécessité d’identifier un objectif atteignable et compréhensible)
Il faut pouvoir se prémunir contre des attaques dans la presse qui visent à discréditer la parole des associations :
 Mettre en place un système de réaction rapide, via veille média et porte-parole réactif (avec mandat) → Ne rien laisser passer.
 Produire des données fiables et à jour qui construisent la légitimité de l’association, être en mesure de pouvoir apporter des témoignages, démontrer des cas.
Pour neutraliser l’administration :
 interpeller en amont et envoyer des données fiables (cas recensés, témoignages, etc) afin d’établir la réalité du phénomène
 chercher à avoir des alliés dans l’administration, notamment les professeurs et les syndicats enseignants (évoqué FSU)
Sur l’élargissement de la coalition à des alliés au-delà des personnes concernées :
 Associations et syndicats alliés à former et informer – solliciter leur soutien, relais, contacts...
 Prendre contact avec des assos qui font du community organizing (Alliance citoyenne, Organisez vous...)
 Aller chercher des alliés politiques (ex : maires, élus régionaux) et les intégrer dès le début. Ils peuvent aider à l’analyse politique des acteurs et être capables de réagir vite pour dénoncer les situations de représailles pour les faire cesser au plus vite
- Potentiel aussi dans les acteurs semi-institutionnels (défenseur des droits, UNICEF, etc)

Etre attentif à :
 prise de parole des personnes concernées : assurer des garanties et une protection contre les représailles administratives déjà observées sur le terrain
 Il y a un besoin de former les alliés de la coalition, par exemple élus et politiques, notamment en leur faisant rencontrer les « personnes concernées ».
 Pour faciliter la prise de parole des personnes concernées, il faut être en mesure de leur assurer des garanties et une protection contre les représailles administratives déjà observées sur le terrain.

  • 3. Résumé sous-groupe expérience « Accueil des étrangers à Nantes » - discussion sur la manière de faire fonctionner une coalition

a) Observations générales sur le contexte de travail des associations (contexte actuel)
Difficulté à mobiliser pas seulement les citoyens mais dans le milieu associatif, d’autant plus avec la concurrence qui peut exister entre les associations. Cela pose de nombreuses questions :
 Comment mieux sensibiliser les gens du secteur associatif, les associations qui ont de plus en plus peur de heurter l’opinion publique avec des discours culpabilisants.
 Comment les associations peuvent lutter contre le repli identitaire ?
Comment prêcher aux non convaincus ? Quels éléments de langage utiliser ?
On observe une "droitisation" des pouvoirs publics, qui n’hésitent pas à mentir ouvertement .
Quelle riposte efficace face à ces tendances ?
Les associations ne doivent pas se limiter à passer leurs messages aux convaincus et au milieu associatif, elles doivent parler au grand public.

b) Rôle et apport de VoxPublic :
Un troisième métier de VoxPublic se dessine, après l’interpellation des décideurs et le conseil en communication : l’aide à la formation de coalitions d’acteurs sur des initiatives au niveau local ou national, contribuer à la construction des coalitions et/ou coordinations des mobilisations.
VoxPublic pourrait mettre en place un kit d’action pour les associations et collectifs. Comment faire fonctionner une coalition ?
 Comme le montre l’exemple de Nantes, il est essentiel qu’il y ait un dialogue, une entente entre les membres et une volonté d’agir ensemble
 Difficulté : parfois les coalitions doivent agir vite surtout quand elles répondent à un incident/événement, donc dépendent d’une logique temporelle sur laquelle elles n’ont pas toujours le contrôle

Mobilisation : il est très important de valoriser les petites victoires : pour garder l’envie des citoyen.ne.s de continuer à se mobiliser. Il faudrait orienter davantage le travail de VoxPublic dans cette direction.

VoxPublic par son rôle d’accompagnement et conseil au niveau local et national, doit être attentif à repositionner les actions locales par rapport à des stratégies d’ensemble surtout sur les questions des migrations.

c) Quelle visibilité pour VoxPublic ?
 Construire un réseau de soutien/relais, utiliser le bouche-à-oreille
 Bien que pas forcément une posture proactive en termes de visibilité, VoxPublic peut continuer à se faire connaître pas ses succès.
Rappel : Vox Public travaille par chantier d’accompagnement qu’il faut savoir clôturer.

d) Rétrécissement de l’espace démocratique de la société civile :
 Il faut « sortir » des grosses associations pour parler au grand public. La droite et l’extrême droite jouent sur la peur, la crainte de l’avenir. Quelle stratégie développer pour parler à ceux qui ont peur ? Il faut lutter contre le repli => travailler l’imaginaire et l’intelligence collective.
 VoxPublic par son travail dans la coalition peut aider à la prise de conscience des enjeux complexes (peur, crainte de l’avenir, repli sur soi) en mettant en place la stratégie des petites victoires.
 Proposition d’organiser des mini-Agora le soir en semaine sur un format de deux heures.