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Réformes tous azimuts : quelle écoute de la société civile ?

20 mars 2018 dans dans État de droit

A chaque jour, sa grande réforme annoncée ou débattue ! Aux dossiers de l’Assurance chômage, de la SNCF, du baccalauréat et de la sélection en université, de la réforme constitutionnelle, de l’hôpital ou de la bioéthique pour n’en citer que quelques-uns, viennent s’ajouter d’autres chantiers sur lesquels VoxPublic travaille plus particulièrement avec ses partenaires : la justice et les prisons, l’asile et l’immigration, le 4e plan Autisme...

Voeux 2018
Elysée

A chaque fois, les acteurs de la société civile s’interrogent. Leur expertise sera-t-elle prise au sérieux et leurs recommandations intégrées ? En règle générale, leurs attentes sont déçues et elles ont l’impression de parler dans le vide. Et pourtant, récemment, c’est sur le dossier – pourtant tout aussi politiquement sensible - des prisons que M. Macron et Mme Belloubet, ministre de la Justice, ont repris à leur compte des idées défendues depuis des années par les associations (notamment Observatoire international des prisons, Génépi,Chantiers-Passerelles partenaires de VoxPublic). Moindre recours à la détention, développement des peines alternatives, notamment du travail d’intérêt général (TIG), création de prisons « ouvertes »… Pour la première fois, le tout carcéral – pourtant considéré comme nécessaire par une majorité de nos concitoyens - a été remis en cause et des alternatives présentées.

Mais sur bien des sujets, l’État et sa technostructure continuent de fonctionner avec leur propre logiciel à la fois binaire et dépassé : la légitimité incontestable d’un État au service d’un gouvernement issu d’élections démocratiques et la supériorité des dirigeants de l’État issus des filières « d’élite » (l’ENA en tête). Les réformes sont pensées dans le sérail des ministères, les ministres présentent leur projet de loi, la majorité des députés votent, le président triomphe. Cette machine tourne à plein régime. Il y a bien des consultations des « partenaires sociaux » ou de certaines associations, mais ceux-ci restent néanmoins peu écoutés et peu considérés… Il est même sérieusement question de limiter le droit d’amendement des parlementaires, ce qui renforcerait encore le poids de l’exécutif. A ce rythme, c’est la démocratie qui pourrait bien s’essouffler la première.

Au regard de l’exemple sur l’évolution de la politique pénale – dans un pays où sanction rime avec prison - on se demande pourquoi le gouvernement ne ferait pas preuve du même courage politique quand il s’agit d’en finir avec les contrôles au faciès ou de la politique d’accueil des personnes migrantes et demandeurs d’asile. Sur ce sujet, les associations – réunies au sein des États généraux des migrations - ont beaucoup à apporter à l’État pour bâtir, enfin, une politique respectueuse des droits des personnes. Au lieu de cela, le gouvernement s’enferre dans une logique répressive aussi inutile qu’inhumaine, comme l’ont souligné le Conseil d’État, les associations et de nombreuses voix publiques (avocats, écrivains, artistes, etc). La voix de la société civile solidaire des personnes exilées serait-elle moins crédible que celle en faveur d’une politique carcérale conforme aux droits humains ?

C’est pour aller à l’encontre de cette division, voire imperméabilité, entre « État » et « société civile » que nous avons créé VoxPublic. Nous restons convaincus que la connaissance directe des situations d’exclusion, de discrimination, d’injustice par les acteurs de la société civile et leurs recommandations pour les politiques publiques doivent être une source d’inspiration pour les pouvoirs publics. Il ne s’agit ni de remplacer l’État ni de prétendre avoir la légitimité des urnes, et encore moins de vouloir décider à la place de celui-ci. Il s’agit modestement de favoriser une relation de dialogue ouvert et de confiance entre les pouvoirs exécutif et législatif tout en impliquant les citoyen.ne.s dont ils tirent leur légitimité. Mais au rythme actuel de marche forcée, le dialogue société civile - État souffre. Il faudrait respecter les rythmes de la concertation pour que la société puisse faire les bons choix et avancer sans heurts.

Jean-Marie Fardeau, délégué national