Accueil » Actualités » Pour une réforme des pratiques numériques des Caisses d’allocations familiales

Pour une réforme des pratiques numériques des Caisses d’allocations familiales

30 août 2022 dans dans Justice sociale et environnementale

Pour lutter contre la fraude aux allocations familiales, l’administration s’est dotée d’outils numériques de surveillance des bénéficiaires. Problème : la machine s’est emballée, elle produit plus de précarité et renforce le non-recours aux droits. Un collectif s’est organisé pour reprendre le contrôle avec l’aide de VoxPublic.

«  Pour quel motif mon RSA a été coupé pendant 27 mois ? Parce que je n’avais pas rempli une déclaration de patrimoine (pour une allocataire du RSA !) que je n’ai jamais reçu ». Isabelle, la cinquantaine, laissée presque sans logement, a été victime d’un logiciel de contrôle numérique automatisé de sa Caisse d’allocations familiales (CAF) ayant bloqué automatiquement ses versements et d’une administration pressant les agents des CAF à déceler d’éventuelles fraudes, là où il ne s’agit régulièrement que d’erreurs humaines.

Autre exemple : un algorithme repère, en croisant des données, que Valentin a toujours un compte joint avec son ex-épouse (en réalité pour les dépenses relatives à leur enfant) et en déduit qu’il ne vit pas seul contrairement à ce qu’il déclare, et correspond pourtant à la réalité. La CAF lui notifie un trop-perçu de plus de 16 000 € à rembourser. La nouvelle tombe par un courrier postal envoyé automatiquement par une machine informatique.

Ces situations témoignent-elles de « cas exceptionnels » parmi les treize millions de ménages percevant au moins une prestation de la part des 99 Caisses d’allocations familiales ? Elles ont au moins un premier point commun, un algorithme défectueux est à la source de leur problème !

Sur les quelques 37 millions de contrôles réalisés en 2020, touchant la moitié des allocataires, 32,25 millions étaient automatisés. Et 75% des contrôles effectués par des agents en chair et en os ont été déclenchés par le dispositif de ciblage et les algorithmes. Pour schématiser, un logiciel repère des incohérences dans un dossier, effectue les calculs débouchant sur un indu, les versements sont automatiquement suspendus, puis un agent peut éventuellement traiter le dossier…

Le collectif Changer de Cap, et d’autres associations, ont cherché à savoir si la «  transformation numérique des administrations avec l’objectif de 100% de services publics dématérialisés  » vantée dans le Plan Action Publique 2022 pouvait avoir des conséquences directes sur le quotidien des allocataires et contribuer à augmenter le non-recours, plutôt que de le résorber.

Après des mois de recueil de témoignages et d’enquêtes, ces organisations sont parvenues à la conclusion que le numérique (tel qu’il est utilisé) ouvre de "vastes zones de non-droit et va jusqu’à plonger un organisme de protection sociale dans l’illégalité". Juridiquement la fraude doit être intentionnelle, mais ici les incompréhensions, les difficultés face au numérique, les erreurs, y compris celles des CAF, sont assimilées à de la fraude, ce qui est contraire à la loi.

Dans les prochains mois, le gouvernement et la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) doivent définir et négocier une nouvelle convention d’objectifs définissant les orientations politiques et sociales de la CNAF pour les cinq années à venir. Cette convention d’objectifs est l’occasion d’imposer des avancées en matière de transparence et de contrôle des algorithmes, mais aussi d’amélioration de l’accès aux droits pour tous.

Pour mener cette campagne, le collectif Changer de Cap, auquel participe des bénéficiaires de la CAF et des experts du numérique, a sollicité le soutien de VoxPublic pour mener son action de plaidoyer.

En savoir plus