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Loi antiterroriste : un retrait réclamé d’urgence

14 juin 2017 dans dans État de droit

Lors d’une conférence de presse exceptionnelle, neuf associations, ainsi que des avocats et universitaires, ont réclamé le retrait d’un nouveau projet de loi antiterroriste proposant d’intégrer l’état d’urgence dans le droit commun.

Le 8 juin dernier, le journal Le Monde révélait le contenu du nouveau projet de loi antiterroriste validé en Conseil de Défense et de Sécurité nationale (auquel participent le Président de la République, le ministre de l’Intérieur, le ministre de la Défense), et visant à intégrer dans le droit commun les principales mesures prévues par l’état d’urgence.

Face à ce projet inquiétant et liberticide, dés le lendemain, neuf associations de défense des droits humains [1] ainsi que l’avocat Me William Bourdon et le chercheur en droit public Serge Slama (Univ. Paris Nanterre, CREDOFCTAD), ont tenu une conférence de presse en présence de journalistes français et étrangers (Reuters et Associated Press). La conférence de presse a été organisée et animée par VoxPublic.

Les associations déplorent que la majeure partie des mesures relatives à la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence glissent progressivement dans le droit commun, telles que les assignations à résidence, les perquisitions administratives et les placements sous bracelet électronique. Elles dénoncent également des mesures attentatoires aux libertés individuelles, au droit à la vie privée, notamment à la protection des données personnelles sur internet. Enfin, le projet de loi entérinerait la mise à l’écart du juge judiciaire, qui n’aura plus à statuer avant toute action de police, à la faveur de décisions administratives émanant du ministère de l’Intérieur.

Le texte, qui doit être présenté en Conseil des Ministres le 21 juin, suscite aussi des interrogations : « Si on transforme l’état d’exception en droit commun, que va-t-on expliquer aux Français si demain il y a d’autres attentats ? Dans un an et demi, deux ans, que va-t-on leur proposer ? » s’interroge Me William Bourdon, l’avocat soulevant aussi un «  risque d’effet cliquet » et d’une fuite en avant pernicieuse. De même, Malik Salemkour, le président de la Ligue des droits de l’Homme, «  s’inquiète de cet Etat policier qui semble vouloir être mis en place » car « ce projet vise à maintenir une tension vis-à-vis de certains [i.e les français musulmans] et ne participe pas à l’unité de la communauté nationale ».

Dans cette perspective, Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Rights Watch, a pris la parole en fin de conférence pour énumérer les demandes du groupe d’associations et d’avocats qui appellent «  le gouvernement à retirer ce projet de loi » et à «  recevoir d’urgence les organisations de la société civile, afin que celles-ci puissent leur faire part de leurs inquiétudes face aux orientations prises  ». Elle poursuit en demandant « au gouvernement une totale transparence des données sur l’état d’urgence, indispensable à sa bonne évaluation », et « appelle les futurs députés à ne pas voter une nouvelle prolongation de l’état d’urgence et à refuser la normalisation de mesures d’exception ».

Voir la fiche VoxPublic en action sur l’état d’urgence et anti-terrorisme.


[1Action Droits des Musulmans, Amnesty International, l’ACAT-France, le GISTI, Human Rights Watch, la Quadrature du Net, l’Observatoire international des Prisons, le Syndicat de la Magistrature et la Ligue des Droits de l’Homme)