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Lettre des grévistes de la faim à Calais à M. Emmanuel Macron

5 novembre 2021 dans dans Migrations

Monsieur le président de la République, 

Cela fait maintenant 25 jours que nous avons cessé de nous alimenter. Nous poursuivons cette grève de la faim, avec le soutien de Philippe Demeestère qui a fait le choix de continuer le même combat par d’autres actions. Nous demandons la fin des expulsions quotidiennes et de la destruction des effets personnels des personnes exilées dans le Calaisis pendant la trêve hivernale, ainsi que l’ouverture d’un dialogue raisonné et citoyen entre les pouvoirs publics et les associations non mandatées par l’État sur la distribution de biens de première nécessité. 

Comme vous le savez, depuis le début des années 1990, des personnes sont bloquées à la frontière franco-britannique, aujourd’hui principalement à Calais et Grande-Synthe. Ce territoire est le théâtre de 30 ans d’effets d’annonce. Ainsi, Nicolas Sarkozy affirmait avoir réglé le problème calaisien avec la destruction du Centre de Sangatte en 2001 ; Eric Besson promettait en 2009 de “rendre étanche la zone de Calais” et Bernard Cazeneuve pensait mettre fin à la présence des personnes exilées dans le Calaisis avec la destruction du bidonville de 2016. 

La volonté d’invisibilisation des personnes exilées a depuis, entraîné une politique d’épuisement et de harcèlement. Celle-ci se concrétise par l’expulsion de ces personnes de leur lieux de vie et la confiscation et la destruction de leurs effets personnels toutes les 48h. Cette politique à la frontière franco-britannique viole les droits fondamentaux des personnes exilées, comme dénoncé par de nombreuses institutions et organisations de défense des droits humains. Depuis le 20 septembre 2021, le rythme des expulsions sur l’un des principaux lieux de vie de l’agglomération calaisienne s’est même accru pour devenir quotidien.

Aujourd’hui, nous, grévistes de la faim, associations et citoyen.nes solidaires ne pouvons plus tolérer un hiver de plus qui serait encore fait de violences, d’expulsions, de vol des effets personnels, de traitements inhumains et dégradants. Nous attendons une prise de décision rapide et courageuse de votre part pour mettre fin sans plus attendre à ces atteintes aux droits fondamentaux. 

Vous avez été alerté par le Secours catholique le 13 octobre, puis interpellé par une citoyenne à ce sujet le 26 octobre 2021 dans les rues de Montbrison. Vous et le ministre de l’Intérieur avez demandé à M. Didier Leschi, directeur général de l’OFII, d’engager des discussions avec nous et les associations qui nous soutiennent. Ces discussions – que nous ne considérons pas comme un exercice de médiation - n’ont pas permis de satisfaire nos revendications. Au 4 novembre, les expulsions continuent, les effets personnels des personnes exilées sont toujours détruits - nous en avons les preuves -, les associations ne peuvent toujours pas distribuer librement des produits de première nécessité et l’espace de dialogue demandé n’a pas été créé.
Nous considérons que la mission confiée à M. Leschi a échoué à répondre à nos revendications pourtant élémentaires. C’est pourquoi, nous vous demandons de vous engager directement sur ce dossier. Nous souhaitons le dialogue et sommes disposés à vous rencontrer, et ce, sur la base de ces trois revendications qui placent les personnes humaines au centre :
 pendant la trêve hivernale, arrêt des expulsions et de la confiscation et de la destruction des effets personnels des personnes exilées (revendications 1 et 2),
 création d’un espace de dialogue raisonné et citoyen entre les pouvoirs publics et les associations non mandatées par l’État sur la distribution de biens de première nécessité (revendication 3).

La fin des expulsions pendant la trêve hivernale sera un signe indispensable de votre part, pour montrer la volonté des pouvoirs publics de s’engager enfin dans une réflexion entre personnes exilées, associations et pouvoirs publics sur la situation dans le Calaisis. 

Nous en appelons dès lors directement à vous, Monsieur le président de la République, à votre pouvoir de décision et à votre humanité.
Notre vie est entre vos mains. Nous vous demandons d’agir dans les plus brefs délais.
Veuillez agréer, Monsieur le président de la République, l’expression de notre haute considération, 

Anaïs Vogel Ludovic Holbein