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Anti-racisme et anti-corruption : des libertés associatives sous pression

19 septembre 2019 dans dans Libertés associatives

L.A. coalition pour les libertés associatives, animée par VoxPublic s’est réunie en cette rentrée 2019 pour faire le point sur ses actions en vue des municipales 2020, et aussi faire remonter de nouveaux cas d’attaques contre des acteurs de la société civile engagés contre les discriminations ou contre la corruption.

Depuis septembre 2018, VoxPublic est à l’initiative d’une coalition composée par une quinzaine d’associations ayant pour objectif la promotion et la défense des droits de la société civile. L.A. Coalition (L.A. pour Libertés Associatives) analyse les diverses formes répressions (politiques, financières, judiciaires et policières) dont les associations sont la cible ainsi que les attaques contre la capacité d’agir des citoyens (limitation du pouvoir de pétition, pressions contre l’organisation des citoyen.ne.s dans les quartiers populaires, etc). Elle travaille en relation étroite avec l’Observatoire de la répression des libertés associatives, créé début 2019.

Les membres de la Coalition pour les libertés associatives se sont réunis en plénière début septembre pour définir une stratégie en vue des municipales de 2020. Des membres de la coalition ont approché les animateurs du Pacte pour la Transition qui propose « 32 mesures concrètes pour construire des communes écologiques, solidaires et démocratiques  » dans lesquelles candidats et listes citoyennes sont invités à piocher pour nourrir leur programme.

LA Coalition entend profiter des municipales de 2020 pour demander aux villes et communes de garantir l’espace démocratique dont les associations ont besoin pour agir. LA Coalition va recommander l’élaboration de chartes locales qui reconnaîtraient le droit d’interpellation des associations et faciliteraient, tout au long du mandat, des interactions et un dialogue constructifs entre élus et associations au contact des habitants.

Cette réunion de rentrée fut aussi l’occasion d’analyser nos mécanismes de solidarité inter-associative vers un de nos partenaires, Action Droits des Musulmans, ciblé par une procédure arbitraire de fermeture de son compte bancaire à la BNP depuis juin 2019. Cette procédure a probablement été ordonnée par une structure gouvernementale, afin de déstabiliser l’association. Soutenue par de nombreuses associations qui ont adressé un courrier collectif au ministre de l’Intérieur et par les avocats Me Bourdon et Brenghart qui ont saisi la justice, le compte bancaire n’a finalement pas été fermé par la BNP.

Le pouvoir d’agir en justice des associations anticorruption menacé

Aujourd’hui, c’est vers l’association anti-corruption Anticor que nos inquiétudes se tournent alors que les dirigeants de l’association se retrouvent sous pression des pouvoirs publics après avoir relancé l’ « Affaire Ferrand » qui implique le président de l’Assemblée nationale, M. Richard Ferrand mis en examen pour « prise illégale d’intérêts » et « manquement au devoir de probité » présumés. Anticor est l’une des deux associations en France, avec Transparency International, à avoir un agrément ministériel qui lui permet de se porter partie civile dans certaines affaires de corruption, ce qui entraîne l’ouverture d’une information et la saisine d’un juge d’instruction .

«  En pratique, cet agrément permet à l’association de forcer l’ouverture ou la réouverture de dossiers judiciaires, y compris contre l’avis du parquet  » rappelle Samuel Laurent, journaliste au Monde. Cette possibilité a été ouverte en 2013 au lendemain de l’affaire Cahuzac pour pouvoir mieux combattre la corruption en France. Ce pouvoir accordé à la société civile, semble désormais excessif au chef de file de la majorité LREM à l’Assemblée nationale, Gilles Legendre qui a déclaré « Ce qui lui [R. Ferrand] vaut aujourd’hui cette mise en examen, c’est la plainte d’une association. Est-ce qu’une association peut peser sur le fonctionnement normal des institutions ? La réponse est non  » (LCI, 12 septembre).

Ces attaques contre ADM et Anticor, acteurs incisifs de la société civile, ne sont pas sans rappeler celle lancée par le ministre de l’Intérieur pointant du doigt « certaines ONG, complices des passeurs » en Méditerranée. Ces faits sont inquiétants et témoignent d’un rétrécissement croissant de l’espace démocratique en France. Ils appellent un sursaut de la société civile pour défendre et promouvoir ses droits ainsi que son action pour l’intérêt général dans un cadre institutionnel plus démocratique et garant de toutes les libertés fondamentales.

Sources

« Une association de défense des droits des musulmans dénonce la fermeture de son compte chez BNP Paribas », Le Monde, 2 septembre 2019
« Affaire Ferrand : le vice-président d’Anticor, également magistrat, est visé par une enquête administrative », Le Monde, 18 septembre 2019
« Lutte contre la corruption : Sherpa en manque d’agrément pour se constituer partie civile », Novethic, 3 avril 2019
« Les ONG « complices des passeurs » : Castaner « consterne » les associations de défense des migrants », Le Nouvel Obs, 6 avril 2019

En savoir plus sur les actions de L.A. Coalition :
https://www.voxpublic.org/L-A-Coalition.html